1. Identité et intersectionnalité

Section 1: Identité et intersectionnalité

Identité

Identité

nom - féminin

Caractère permanent et fondamental de quelqu'un, d'un groupe, qui fait son individualité, sa singularité - Larousse

Identity

noun

Who a person is, or the qualities of a person or group that make them different from others - Cambridge Dictionary 

Qui êtes vous?

L’identité est un concept riche, vaste et complexe à plusieurs facettes qui est à la fois réel et irréel. Elle a été formée et formulée à travers des emplois variés, menant ainsi à un mot qui porte une signification hors des limites des dictionnaires traditionnels. La définition de l’identité est très nuancée, intégrant les éléments sociopolitiques, socioéconomiques, socioculturels et biologiques qui forment la nature abstraite de qui nous sommes, tout en consolidant les visions du monde que nous portons en nous. Bref, l’identité englobe la notion spirituelle d’une âme et ses impacts dans nos quotidiens. 

Dans son ouvrage Identités meurtrières, Amin Maalouf divise l’identité en deux grandes catégories, qu’on pourrait qualifier ainsi : l’identité interne et l’identité périphérique

L’identité interne ou « choisie »

À travers la présente catégorie de marqueurs d'identité, nous acceptons les effets des circonstances de notre naissance et les impacts des choix de celles, ceux ou celleux qui nous ont élevé dans la formulation de soi, tout en reconnaissant notre autonomie dans notre définition de soi. L'utilisation de l’adjectif « choisie » ne vise pas à minimiser l'importance de ces marqueurs d'identité, mais elle souligne la capacité  d’une personne à décider qui elle est de façon active ou passive. Cette catégorie regroupe alors, les parties de notre identité qui sont à nous et à nous seuls.

Exemples:

  • Ethnicité et origine culturelle
  • Nationalité
  • Religion
  • Orientation sexuelle
  • Antécédents et liens professionnels
  • Allégeance politique
  • Alma mater (lieu des études universitaires)

Ces marqueurs d’identité sont très importants, car ils forment la manière dont nous nous construisions, et par conséquent, la manière dont nous nous rapprochons du monde. Nous recevons certains de ces éléments de notre lignée et de nos ancêtres, tandis que d'autres sont issus de décisions conscientes ou parfois inconscientes que nous prenons et qui influencent grandement qui nous devenons.

À titre d’exemple: Imaginez que vous êtes né.e et élevé.e à Rouyn-Noranda dans une famille immigrante originaire de la France, avec une ascendance ivoirienne. Pendant votre enfance, la culture à la maison était franco-ivoirienne, prenant certaines normes de la France comme les heures de repas et la philosophie de vie, et d’autres de la Côte d’Ivoire, comme la nourriture et les vêtements de cérémonie. Vous avez grandi en écoutant l’europop et le coupé-décalé. En revanche, dehors de la maison vous étiez entouré.e par la culture québécoise, comprenant la musique, les accents et les façons de s’exprimer. Votre éducation était québécoise et vous partagez des éléments de nostalgie avec vos pair.e.s québécois.e.s. Tout ceci veut dire que votre ethnicité actuelle est un mélange de vos origines familiales franco-ivoiriennes, ainsi que votre présente réalité en tant que résident.e du Québec. Par conséquent, peut-être que vous vous identifiez en tant que Franco-Ivoirien.ne-Québécois.e puisque chaque élément de votre ethnicité est également important à votre être. Peut-être vous vous identifiez plus comme Ivorien.ne-Québécois.e, car vous vous sentez plus proche de vos origines ivoiriennes que françaises; ou Franco-Québécois.e parce que vous êtes plus connecté.e à vos origines françaises. Peut-être avez-vous un traumatisme lié à votre héritage et par conséquent, vous vous identifiez uniquement comme Québécois.e, ou vous étiez harcelé à l’école pour ne pas être suffisamment Québécois.e et donc, vous rejetez votre identité québécoise et vous vous identifiez uniquement comme Ivorien.ne habitant au Québec.

Cet exemple illustre bien la façon dont les choix d’une personne s’entrelacent avec ses origines, son héritage et les circonstances de son existence, ainsi que l’importance de tous ces facteurs dans l’identité interne ou choisie de cette personne.

Identité périphérique

L’identité périphérique, au contraire de l’identité interne/choisie, n’est pas sélectionnée par la personne en question, mais par la société dans laquelle elle habite. Ceci signifie que la seule manière dont les éléments périphériques de votre identité peuvent changer est par l’évolution collective de votre société ou en déménageant. Sur le plan individuel, cela peut se faire en déménageant dans une autre collectivité, et sur le plan collectif, en faisant évoluer les mentalités. 

Exemples:

  • Couleur de peau et race
  • Expression de genre (et non identité de genre)
  • Classe sociale et statut socioéconomique 
  • In(capacité)
  • Nous en passons…

En parlant de l’identité périphérique, il faut incorporer et interroger le contexte historique et politique du lieu physique. La race de quelqu’un.e, par exemple, est une conception sociale (ou un concept inventé) qui a des conséquences très importantes dans la vraie vie des êtres humains. La race est considérée comme un facteur déterminant de la santé, du choix de logement, des opportunités de travail, parmi d’autres exemples. Cependant, la race de quelqu’un.e, et les implications sociales à faire partie d’un certain groupe racial, peuvent varier en fonction de la société dans laquelle vous vous trouvez. 

À titre d’exemple: si vous étiez né.e au Vietnam, vous pouvez faire partie des Mường, un groupe éthnique qui se trouve au nord du pays. Si vous déménagez au Canada, vous deviendriez Asiatique, Sud-Asiatique, Asiatique du Sud-Est, ou même Chinois.e dans certains recensements. Tout à coup, vous n’êtes plus défini.e par votre ethnicité culturelle, mais vous êtes groupé.e avec six à quarante-huit autres pays qui comptent parmi eux, plusieurs ethnicités, avec des langues, des cultures et des histoires très différentes.  Cependant, vous trouverez des similarités dans la manière dont la société canadienne vous perçoit et comment d’autres personnes asiatiques sont perçues. Par conséquent, s’il y a des sentiments anti-chinois (par exemple pendant le début de la pandémie de la COVID-19 en 2020), vous êtes aussi en danger même si vous n’êtes pas d’origine chinoise.   

Bref, votre identité raciale n’est pas votre choix, c’est le choix de la société dans laquelle vous vous trouvez et son histoire avec les gens qui vous ressemblent.

Qui êtes-vous? Voici des questions pour vous aider à réfléchir à votre identité.

Quels sont les aspects de votre identité dont vous avez toujours conscience?

Quelles sont les composantes de votre identité que la société ne vous laisse jamais oublier? Par exemple, lorsque vous sortez de chez vous ou interagissez avec d’autres personnes, avec vos collègues, etc., qu’est-ce qui ressort toujours?

Quels sont les aspects de votre identité qui sont parfois importants, mais pas toujours?

Quelles sont les composantes de votre identité qui sont importantes dans certaines circonstances seulement? Par exemple, si vous vous identifiez comme francophone et que vous vivez dans ce qui est actuellement le Canada, à quelle fréquence cette identité francophone prend-elle une importance manifeste?

Quels sont les aspects de votre identité qui n’influencent guère votre vie?

Quelles composantes de votre identité avez-vous tendance à oublier parce qu’elles ont rarement une incidence notable sur votre vie? Par exemple, si vous êtes cisgenre, pensez-vous souvent à la façon dont cela influence votre expérience vécue? 

Quels sont les aspects de votre identité qui contribuent à votre intérêt pour une carrière en STIM?

Quelles sont les composantes de votre identité qui vous aident à poursuivre un cheminement en STIM? Avez-vous constaté une représentation importante de gens qui vous ressemblent dans les domaines de STIM? Est-ce qu’un.e de vos parents ou les deux exercent une profession en sciences ou en génie? Avez-vous fréquenté une école où vous pouviez vous identifier aux enseignant.e.s en STIM?

Quels sont les aspects de votre identité qui agissent comme des barrières dans la poursuite de vos ambitions en STIM?

Quelles sont les composantes de votre identité qui font en sorte que vous vous sentez exclu.e ou indésirable dans les espaces où l’on pratique les STIM? Il pourrait s’agir, par exemple, de votre genre, de votre orientation sexuelle, de votre race ou de vos origines culturelles.

Lorsqu’on aborde les conséquences individuelles du racisme, de la discrimination et de l’oppression, la notion d’identité devient essentielle pour remettre en question les systèmes de pouvoir et d’oppression au cœur de la société canadienne.

Entrecroisement identitaire

Oppression intersectionnelle

phrase - féminin

Une oppression intersectionnelle issue de la combinaison de diverses oppressions qui, ensemble, produisent quelque chose d’unique et de différent de toute forme de discrimination individuelle - Commission ontarienne des droits de la personne

Intersectionality

noun

The complex, cumulative way in which the effects of multiple forms of discrimination (such as racism, sexism, and classism) combine, overlap, or intersect especially in the experiences of marginalised individuals or groups -  Kimberlé Crenshaw


Le concept d’intersectionnalité est mieux capturé par les mots « entrecroisement identitaire » ou « oppression intersectionnelle » en français, vu que ça vient de la francisation du mot anglais « intersectionality ». L’entrecroisement identitaire est relativement nouveau dans le mouvement pour la justice sociale. Il fait référence à une oppression unique issue de la combinaison de diverses oppressions qui, ensemble, produisent une expérience/discrimination qui se démarque de toutes formes de discrimination individuelle (source). 

L’utilisation d’une approche intersectionnelle ou contextualisée de la discrimination, fondée sur des motifs multiples, présente de nombreux avantages. Elle permet de reconnaître la complexité des façons dont les personnes ressentent la discrimination, de tenir compte du fait que l’expérience de discrimination peut avoir un caractère unique et de prendre en considération le contexte social et historique du groupe. L’approche intersectionnelle met l’accent sur la façon dont la société traite une personne en conséquence de la convergence de motifs et n’exige pas à cette personne de se mouler dans un compartiment ou une catégorie rigide. Elle répond au fait que la discrimination a évolué et qu'elle a tendance à être moins ouverte/explicite et plus subtile, et se manifeste à plusieurs niveaux et de manière systémique, environnementale et institutionnelle.

À titre d’exemple: Dans bien des cas, l’expérience de la discrimination vécue par les femmes membres d’une minorité raciale est complètement différente de celle des hommes membres d’une telle minorité ou même des femmes en général. De même, les hommes appartenant à une minorité raciale ne ressentent pas nécessairement la discrimination de la même façon que les hommes appartenant au groupe dominant ou de la même façon que les femmes de leur culture. Cela vient du fait que les groupes sont souvent victimes de formes particulières de stéréotypes ou d’obstacles fondés sur une combinaison de motifs liés à la race et au sexe. C’est cela qu’une approche intersectionnelle permet de reconnaître.

Comme de nombreux autres concepts liés aux notions de justice sociale, l’entrecroisement identitaire est souvent dilué. Pour donner un exemple, la vaste majorité des organisations non-gouvernementales (ONG) mentionnent l’importance de prendre en considération les multiples sources d’oppression, en particulier lorsqu’il est question de la construction du sentiment d’insécurité. Or, seuls les documents publiés après 2010 font directement référence à l’intersectionnalité des oppressions ou encore à l’emploi de cette approche dans les interventions et les recherches. Cette tendance n’est pas isolée : en effet, depuis une dizaine années, de plus en plus d’institutions, de mouvements sociaux et d’individus emploient cette notion dans leurs discours et écrits. Pour sa part, Bilge (2013 : 408) se méfie de cet engouement, principalement parce qu’elle note l’existence d’utilisations ornementales de l’intersectionnalité. Elle parle d’une intersectionnalité ornementale, permettant aux institutions et aux individus d'accumuler de la valeur par le biais de bonnes relations publiques sans avoir à s'attaquer réellement aux structures sous-jacentes qui produisent et entretiennent l'injustice.

Les organisations qui emploient la notion d’intersectionnalité doivent freiner cette vague de dépolitisation, où son utilisation sert uniquement aux recherches et aux discours. Elles doivent également se rappeler que l’intersectionnalité permet de construire des connaissances contre hégémoniques ainsi que des politiques et des pratiques ancrées radicalement dans la justice sociale.

Pensons, par exemple, aux ONG ou aux groupes réservés aux femmes, aux personnes racisées, aux personnes marginalisées, aux immigrant.e.s, aux personnes handicapées, et ainsi de suite. Où irez-vous si vous êtes une immigrante racisée et handicapée? Ou un allosexuel francophone dans une province anglophone? 

Un mot de votre facilitateur!

Cliquez ici pour visionner une première vidéo où Chúk vous parle de la relation entre son identité et les STIM, de l’importance d’intégrer les identités multiples dans votre enseignement des STIM et de ses Avengers préférés!


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